ASPMAD – CMS NORD VAUDOIS
RAPPORT ANNUEL 2018

Les thèmes

D’une génération à ‘autre
Trois jeunes regards sur la vieillesse

Enjeu sanitaire majeur, le vieillissement de la population est aussi une problématique de société puisqu’il pose la question de la compréhension et de la cohabitation entre les générations. Comment les jeunes voient-ils ceux qu’on appelle les seniors?
Trois apprentis de l’ASPMAD suivant une formation d’employé(e) de commerce nous donnent leurs réponses:

  • Medina, en 2e année, au service des RH;
  • Eva, en 2e année, à la réception du CMS d’Orbe;
  • Isaac, en 1re année, qui a commencé sa formation au TMR après une carrière de footballeur professionnel.

Qu’est-ce que la vieillesse?

MEDINA. Ce n’est pas une question d’âge. La vieillesse se remarque à l’attitude physique – quelqu’un qui a des maux de dos, qui n’arrive pas bien à marcher ou qui perd la mémoire. C’est aussi visible dans la manière dont une personne reste en phase avec le monde moderne et même la mode. Je connais une dame qui a plus de 70 ans, elle est aussi jeune à l’intérieur qu’à l’extérieur: elle est toujours très bien habillée. Je suis sensible à l’apparence.

ISAAC. Pour moi c’est lié à la capacité à gérer la vie quotidienne. La vieillesse arrive quand on ne peut plus conduire, faire ses courses, prendre une douche, etc. J’ai du mal à me projeter assez loin pour m’imaginer vieux, mais je dirais que ce sera quand j’aurai besoin d’aide pour accomplir les choses simples de la vie de tous les jours.

Parlons de vos rencontres personnelles. Quels sont les liens que vous avez avec des personnes âgées?

EVA. Mes grands-oncles et grandes-tantes ne sont plus capables de vivre sans aide. Certains sont en EMS, d’autres ont besoin de l’intervention régulière des soins à domicile. En revanche, ma grand-mère n’accepte pas d’aide même si elle en aurait parfois besoin! C’est la plus dynamique. Elle vit au Portugal, seule car mon grand-père est mort il y a quelques années. Elle entretient toute la maison, fait la cuisine. Elle fait partie d’une association qui organise de la gymnastique pour les personnes âgées. Elle se promène régulièrement. J’ai aussi une voisine âgée à qui je donne des cours d’informatique car sa famille est en France et elle voulait apprendre à communiquer avec elle par Internet. Elle est assez isolée, elle ne sort pas beaucoup, mais elle s’intéresse aux nouveautés.

MEDINA. Je suis très proche de mon grand-père. Nous habitons dans le même immeuble et je le vois tous les jours. C’est la seule personne âgée avec laquelle j’ai une relation suivie. Il a 80 ans et se porte très bien physiquement et intellectuellement. Tous les matins, mon père, ma mère, ma tante et mon oncle vont boire le café chez lui. A midi on lui apporte son dîner. Vers 15 heures, «rendez-vous café» avec mes parents, mes oncles et tantes. Ensuite, chacun passe en rentrant du travail. Il aime raconter les histoires de sa jeunesse, lorsqu’il habitait en Bosnie, et nous passons des heures à l’écouter parler de son passé. Il n’est jamais seul longtemps, c’est heureux car il ne sort presque plus depuis le décès de sa femme, une terrible rupture dans sa vie.

ISAAC. J’ai mes grands-parents maternels, que je vois une ou deux fois par an lorsque je visite ma famille en Normandie. Il y avait aussi ma grand-mère paternelle, que j’ai connue mais qui est malheureusement décédée il y a quelques mois et qui vivait au Togo. J’habite à Yvonand dans un immeuble où il y a des appartements protégés. Quand nous avons déménagé, je me demandais si la cohabitation avec des locataires d’une autre génération serait facile. Or le lien s’est vite noué. Nous allons manger chez eux, ils viennent à la maison, ma femme est vraiment proche de certains d’entre eux. Nous essayons de leur rendre de petits services, comme aller à la déchetterie; si on fait un gâteau, on en garde toujours pour eux. Il y a beaucoup de partages et d’échanges. C’est venu tout seul, la naissance de mon fils y a aussi été pour quelque chose. C’est une très bonne idée d’avoir mélangé de jeunes familles et des personnes âgées dans un même immeuble.

Pensez-vous que les personnes âgées sont respectées chez nous?

MEDINA. On ne les comprend pas assez. Une personne âgée peut être loin de sa famille, souffrir de problèmes de santé, elle peut avoir passé par des épreuves difficiles dans son parcours et ne pas s’en être complètement remise… Elle peut ressentir de la tristesse ou manifester des brusqueries qu’on ne comprend pas si on ne va pas chercher ce qu’il y a derrière.

ISAAC. C’est aussi lié à la culture occidentale. On n’a pas beaucoup de temps. La jeune génération n’a plus ce réflexe de prendre en charge les parents quand ils deviennent âgés, car elle vit dans une société de compétition qui privilégie le plus jeune, le plus fort, le plus rapide.  Au Togo, dans la maison familiale, les frères et sœurs de mon père vivent sous le même toit avec leurs conjoints et leurs enfants. Ma grand-mère préparait à manger pour tout le monde, elle était la doyenne, la référence. Il était hors de question qu’elle s’en aille vivre ailleurs dans un petit appartement.

Qu’est-ce que les personnes âgées peuvent apporter?

EVA. Une expérience de vie différente. A l’école j’ai réalisé une interview de ma grand-mère sur ce qu’avait été son enfance. J’ai été choquée de savoir qu’à sept ans elle a commencé à travailler pour s’occuper d’un autre enfant. Elle dormait chez ses patrons. Une personne qui a vécu cela peut nous apporter une autre vision de la vie.

MEDINA. Je rejoins Eva. Notre génération a tout reçu sur un plateau, alors que nos grands-parents et nos parents se sont battus pour obtenir certaines choses qui vont de soi pour nous.

ISAAC. Ce que m’apportent les personnes âgées, c’est de la confiance. J’ai tendance à leur faire confiance, peut-être parce que justement, à l’époque, les relations étaient fondées là-dessus. Je dirais aussi que les personnes âgées savent écouter – on retrouve le rapport avec le temps.

Vous arrive-t-il de penser à votre vieillesse?

ISAAC. Je me pose surtout une question: dans quel monde, nous, futurs vieux, allons-nous vivre? Pour le reste, c’est très bien d’arriver au grand âge, mais en forme! On vit de plus en plus longtemps, mais souvent dans des conditions de vie beaucoup plus limitées.

MEDINA. J’y pense quelquefois, sans vraiment trouver de réponse. Les habitudes changent si vite que je ne sais pas à quoi ressemblera notre vie si nous parvenons à 70 ou 80 ans. C’est trop loin.

EVA. Il y a quand même le problème de l’économie, du coût des choses et de l’argent qui reste quand on a payé ses factures. Ma mère travaille pour certaines personnes qui atteignent l’âge de la retraite et qui partent à l’étranger parce que presque tout y est moins cher. Ces personnes ne pourraient simplement pas vivre décemment en restant en Suisse. Un jour, une dame le lui a dit tout net: «La Suisse est trop chère pour les vieux.»

Globalement, comment jugez-vous la manière dont les jeunes traitent les personnes âgées?
EVA. Si dans l’enfance on nous a appris à respecter nos aînés, ce respect devient instinctif. On le voit dans le bus: certains jeunes offrent spontanément leur place aux seniors, d’autres n’y pensent absolument pas – et peuvent même se précipiter pour prendre une place assise sous le nez d’une grand-maman! Je crois que tout dépend vraiment de l’éducation qu’on a reçue.