ASPMAD – CMS NORD VAUDOIS
RAPPORT ANNUEL 2018

Les thèmes

COLLABORATIONS INTER-INSTITUTIONNELLES
LES AVANCÉES ET LES ENJEUX VUS PAR NOS PARTENAIRES

Brigitte Kauz
​Cheffe de projet pour le PRS

André Allmendinger
Directeur de la Fondation Saphir

Yves Kühne
Secrétaire général du Réseau Santé Nord Broye

Julien Ombelli
Directeur médical aux eHnv

Pour votre institution, quel est l’apport et le sens du Pôle Régional Santé (PRS) ?

Y. KÜHNE. Pour le Réseau Santé Nord Broye (RSNB), et en tant que porteur du projet, la création du PRS est la suite logique d’années de discussions et de coopération. Au début il s’agissait de se mettre autour d’une table et de se parler. Notre vocation première était la coordination des soins et l’orientation des usagers dans le réseau. Avec le PRS, on va beaucoup plus loin: c’est un dispositif global qui assure que le patient recevra la bonne prestation, au bon moment et par les personnes les plus compétentes. Avec un objectif: être plus efficace dans la trajectoire de soins, devenue beaucoup plus complexe à cause des maladies chroniques accompagnant le grand vieillissement.

A. ALLMENDINGER. Pour nous, l’enjeu est de savoir s’il y aura une médicalisation plus poussée des EMS afin de gérer les situations lourdes et de jouer un rôle actif vis-à-vis de l’hôpital et des autres partenaires. Comment notre métier, l’hébergement, pourra-t-il évoluer dans ce sens? Comment allons-nous prendre en charge les fins de vie, dimension importante de notre activité? Sur ce dernier point, avec le PRS et l’équipe de soins palliatifs, nous aurons des partenaires qui nous permettront d’apporter des prestations de qualité à la fois aux patients et aux proches. Par ailleurs, nous n’avons pas de compétences infirmières la nuit – nous utilisons les «piquets» de l’Equipe 24/24 de l’ASPMAD – et nous nous posons la question de proposer ces compétences 24 heures sur 24. Car dans l’Equipe 24/24, ce qui peut manquer c’est la connaissance du résident. Et si le médecin de l’EMS n’est pas disponible, nos résidents finissent encore trop souvent aux urgences.

B. KAUZ. C’est une question importante si nous voulons éviter les parcours chaotiques d’une institution à l’autre.

J. OMBELLI. Il y a cinq ans, on pouvait nous envoyer à 23 heures un résident de 94 ans, sub-comateux, dont on ne savait même pas s’il fallait le réanimer ou non. Depuis que le personnel infirmier de l’Equipe 24/24 va dans les EMS le soir, on a le regard de soignantes expérimentées. Si l’EMS engage des infirmières restant sur place toute la nuit, la réactivité et la prise en charge seront sans doute meilleures.

B. KAUZ. Et cela pourrait aussi augmenter l’attractivité du métier en EMS, car les infirmières ne sont guère attirées par une pratique en hébergement – pour ne rien dire des conditions salariales peu concurrentielles.

En termes de gestion globale du système, où sont les avantages du PRS? Est-ce difficile pour vos institutions de déléguer, d’abandonner une part de leur autonomie?

Y. KÜHNE. Nous n’avons pas le choix! Avec le grand vieillissement et les maladies chroniques se pose la question de l’interdépendance des acteurs et de la rareté des ressources – aussi bien pour l’offre que pour le personnel. C’est précisément l’une des vocations du PRS de permettre une allocation optimale de ces ressources.

A. ALLMENDINGER. On constate par exemple que dans la psychiatrie de l’âge avancé, nous aurons de plus en plus de demandes de placement en hébergement. Les EMS seront toujours davantage confrontés à cette question.

B. KAUZ. C’est un des rôles-clés du PRS. On ne va pas multiplier les spécialistes. Si chaque institution travaille avec «ses» spécialistes, sans mise en commun, il suffira que l’un deux s’en aille pour que l’édifice se lézarde. Il est plus efficace et plus sûr de mettre les compétences au service de l’ensemble des partenaires. Nous vivons un changement de mœurs : penser en termes de prise en charge globale, non plus de cahiers des charges institutionnels, de prés carrés, de domaines réservés. Il n’est pas si facile d’accepter que d’autres professionnels aient un regard, éventuellement critique, sur votre activité. Il faut avoir confiance en l’autre, et la confiance ne se décrète pas, elle se travaille.

J. OMBELLI. C’est aussi une question de moyens. A Yverdon nous avons à peine 6% de patients assurés en privé contre 30% à Nyon. Nous n’avons donc pas les coudées aussi franches pour engager des spécialistes. Nous sommes obligés d’être meilleurs dans le partage et les processus. Dans ce sens, on peut presque dire que nos limites financières sont une chance.

Quelle sera l’évolution pour les lits de courts séjours ?

Y. KÜHNE. Les courts séjours étaient – et sont toujours – très importants en soutien aux soins à domicile, dans les situations d’urgence médico-sociale ou alors pour du répit. On requestionne cette mission, car nous observons une baisse du recours à ce type d’hébergement et nous sommes en train d’en analyser les raisons.

A. ALLMENDINGER. J’ai toujours préconisé des structures spécialisées pour certaines sorties d’hôpital – dans le réseau cette future mission est dévolue à nos collègues de l’EMS des 4 Marronniers. Nous avons de notre côté été «pilote» dans les colocations Alzheimer qui retardent l’entrée en EMS. Mais le répit, c’est une chose; les suites hospitalières demandent des compétences particulières. Par ailleurs on voit que dans les appartements adaptés, l’accompagnement devient de plus en plus lourd – on prend le chemin du «mini-EMS».

J. OMBELLI. Les hébergements de psychiatrie de l’âge avancé sont un défi majeur. Actuellement nous avons sept patients qui attendent dans nos services – certains depuis plus de deux mois. Ce sont des lits A qui sont bloqués, où l’on ne peut pas donner de soins aigus.

La nouvelle Permanence installée aux eHnv doit améliorer le tri et la prise en charge
des urgences non vitales. Comment?

J. OMBELLI. Nous avons beaucoup travaillé sur l’identification des patients à risque. Avant, les personnes qui arrivaient aux urgences étaient triées sur un mode binaire: grave / pas grave. Aujourd’hui, c’est grave, pas grave ou à risque. Lorsqu’il s’agit d’une urgence vitale, c’est notre rayon. Dans le «pas grave», on trouve des jeunes qui ont quitté leur pédiatre sans se soucier d’avoir un médecin de famille: à leur première angine, ils débarquent à l’hôpital. On accueille aussi ceux qui font trop la fête et ceux qui viennent chez nous «après le travail», assez malades pour consulter mais pas pour prendre congé. Grâce à la nouvelle Permanence, tous ces cas encombrant les urgences seront désormais pris en charge par la garde médicale. Dans la troisième catégorie, les patients à risque sont ceux qui sont susceptibles de revenir chez nous plusieurs fois dans l’année. Au premier chef, des personnes âgées présentant un risque gériatrique et/ou psychiatrique. Nous avons une structure de prise en charge avec l’équipe de gériatrie et le médecin traitant, qui peut mettre en place des mesures de prévention à domicile. Les personnes souffrant de problèmes cardiaques entrent, elles aussi, dans cette problématique. Elles ont des pathologies classiques, mais qui supposent un changement de vie à domicile: médicaments, exercice physique, contrôle du poids et de la nutrition, etc. La prévention des crises et des décompensations passe donc par une prise en charge commune.

B. KAUZ. Dans ces prises en charge, l’infirmière spécialisée a un rôle transverse. Elle peut être engagée par le RSNB ou tout autre partenaire, et assure la continuité des soins entre médecin hospitalier, médecin traitant et soins à domicile – ce qu’on nomme aujourd’hui les soins de transition.

J. OMBELLI. Eviter la discontinuité des soins, tout est là. Autre exemple: la collaboration joue un rôle clé dans ce que nous appelons le RRAC, Récupération Rapide Après Chirurgie. Si on pose une prothèse de la hanche ou du genou à une octogénaire (des opérations qui vont exploser ces prochaines années à cause du vieillissement), il sera capital de la renforcer et de lui apprendre à utiliser des cannes à domicile, avant l’opération. Après, on peut gérer l’antalgie lorsqu’elle est rentrée chez elle. Ce sont des processus nouveaux: on travaille à la fois avec la chirurgie, les physiothérapeutes, les anesthésistes, les CMS. Cela nous permet d’envisager la prothèse du genou en ambulatoire, encore un rêve il y a quelques années!